En France, la régulation est apparue subrepticement, jusqu’aux directives européennes rendant impérative la mise en concurrence des monopoles historiques de l’énergie et des télécommunications. Accompagnant la libéralisation de ces secteurs, la régulation est devenue le mode privilégié de l’intervention publique dans l’économie. Avec un double intérêt : avec la bienveillance des libéraux, cette présence de l’État, plus modérée, garantit ou de rétablit les règles de concurrence ; pour les chantres du service public, elle permettrait de préserver les services essentiels, et a accompagné les entreprises publiques avec une certaine efficacité sur les marchés.
L’histoire du mot
Emprunté aux sciences dures, la régulation est le fait d’agir sur un système complexe et d’en coordonner les actions en vue d’obtenir un fonctionnement correct ou régulier. Le Robert nous permet de préciser qu’elle est un processus, par lequel un organisme ou un mécanisme se maintient dans un certain équilibre. Les économistes s’en sont emparés, appliquant aux marchés ce que les ingénieurs réservaient aux machines à vapeur par exemple. Et c’est éloquent. De fait, le marché est un système complexe dont on a pu prouver ici et là que son bon fonctionnement avait un effet dynamique sur l’économie et la croissance des sociétés.
L’emploi du terme régulation dans l’action économique publique a été importé du monde anglo-saxon, faisant florès dans les années quatre-vingts. Intimement liée à la libéralisation des échanges, la notion de régulation est devenue incontournable tandis que l’ouverture à la concurrence, et notamment celle de certains monopoles se réalisait.
De fait, d’un emploi courant depuis les années quatre-vingts, le terme de “régulation” apparaît dans le langage juridique en France avec l’avènement des Autorités administratives indépendantes (création de la COB ordonn. du 28 septembre 1967, désormais AMF), inspirées en premier lieu par l’observation des commissions indépendantes américaines (Independant Regulatory Agencies) nées du New Deal.
Régulation et désengagement de l’État
La régulation, sectorielle ou conjoncturelle, apparaît de prime abord comme un mode de désengagement de l’État dans l’économie. Pour autant, en s’y intéressant de plus prêt, on y reconnaît plutôt une nouvelle forme d’engagement des pouvoirs publics.
Le triomphe du libéralisme dans l’économie mondialisé semble incontestable. Dès lors, les modèles privilégiant l’intervention publique pour accompagner les marchés ont connu un recul pour devenir les symboles du passé et de l’échec. Le recul de l’État et de toute la sphère publique répondait à des considérations économiques ou administratives : règles de bonne gestion, mondialisation, mise en cause de la bureaucratie. Les governement failures succédaient comme principe explicatif des pertes de croissance aux market failures qui justifiaient les relances keynésiennes. La régulation devenait le seul procédé acceptable d’intervention sur les marchés, que la main invisible d’Adam Smith ne suffisait pas toujours à maintenir en ordre.
Les principes de la régulation furent d’autant plus admis par les libéraux qu’elle était confiée à des autorités indépendantes des pouvoirs publics, jusqu’à s’apercevoir qu’indépendant de l’État ne signifiait pas indépendant tout court. Des tentatives d’auto-régulation ont été largement couronnées de succès (règles déontologiques, chartes d’éthique, …), certes. Mais les agences nord-américaines ont aussi souvent donné le spectacle d’un lobbying peu reluisant. Alors, finalement, à tous ceux qui avait comme absolu ‘moins d’État’, on délivra du ‘mieux d’État’ (Cohen-Tanuji).
Régulation et État de droit
Le fonctionnement des marchés appelle, pour en respecter la fluidité, une intervention très efficace, discrète et suffisamment rapide pour éviter que les distorsions à la concurrence ne produisent trop d’effets pervers. Dans un pays comme le nôtre, il est rapidement apparu que le système de production des normes était inopérant pour fournir ce type de règles. Alors, la réglementation administrative rigide, les polices des prix et de la concurrence devaient céder le pas au profit d’un droit plus prescriptif, placé entre les mains de nouvelles autorités indépendantes.
Ainsi, la régulation caractérise en France l’action de ces nouvelles institutions, chargées en toute impartialité et indépendance, d’administrer des secteurs sensibles de la vie sociale, et d’y assurer notamment le respect des libertés fondamentales dans des secteurs où l’État est soupçonné de partialité. On parlera de régulation sectorielle, pour être précis : une modalité de participation de l’État à un secteur de la vie sociale par une réglementation organisatrice et/ou restrictive, mais non prohibitive, dont la responsabilité est confiée à une autorité qui dispose des pouvoirs nécessaires à son application.
La question qui est posée est celle de l’évaluation de la norme. Nous sommes là bien loin des procédés démocratiques habituels, même si la protection du consommateur fonctionne avec une efficacité qui pourrait faire pâlir le contrôle de constitutionnalité des lois. Jusqu’à preuve du contraire avec la QPC.
L’État opérateur et régulateur
Ainsi, l’État apparaît aujourd’hui bien plus souvent qu’à son tour sur les marchés. Il n’est plus que modestement entrepreneur, même si au niveau local les entreprises publiques sont nombreuses, avec des statuts qui les rendent discrètes. Il n’est plus vraiment faiseur de règles, notamment avec la liberté des prix, du crédit, … sinon au profit du consommateur (LME, loi Châtel, …).
En même temps, les plans de relance destinés à permettre à la société de faire face à la crise illustre un retour de l’État au premier plan. Il ne s’agit plus alors d’une régulation sectorielle, mais bien d’un renouveau des politiques conjoncturelles. Cela dit, les leviers ne sont plus les mêmes, l’État étant soumis, et pas seulement dans ses interventions directes, aux règles du marché au plan national, communautaire et international.
pour compléter :
1. E. Cohen, l'Etat régulateur
2. 'régulation' sur le site lafinancepourtous.com
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Cordialement, Marc Guidoni