Je me fais régulièrement détester en tenant des propos peu amènes contre l’école et les enseignants. Je relaie bien volontiers auprès d’adultes en formation les discours sur la constante macabre et le pédagogisme du référentiel bondissant, ce qui peut paraître contradictoire d’ailleurs. De fait, beaucoup de ceux qui accusent les nouvelles méthodes de l’Education nationale d’être responsable de tout se posent en nostalgiques de l’école du passé, celle des leçons de morale et des punitions collectives. Faut-il nécessairement choisir entre méthode globale et méthode syllabique ? Entre méthode Boscher et Gafi le fantôme ? Faut-il mettre plus de sport, moins d’histoire, plus d’histoire moins de math ? Faut-il …
A débattre ici et là de ces sujets, on en tire une question unique, dont le sens divise au moins autant que la réponse : qu’est-ce que réussir ? Et n’est-ce pas pourtant la question que se posent ou relaient tous les acteurs du système scolaire, qu’il s’agisse du ministre, des syndicats, des associations de parents, des élèves et, même, des employeurs ? D’autant plus qu’il y aurait plusieurs réussites, et que chacun d’entre eux a quelque chose à réussir.
Ainsi, à ceux qui pensent que réussir c’est avoir un bulletin de salaire, sachez que l’école tant critiquée qui est la nôtre offre ce type de garantie. Oui, pourtant… Oui. De fait, en renonçant aux savoirs, au patrimoine culturel et à l’ouverture d’esprit au bénéfice d’une formation donnant prioritairement la capacité à prendre en main des technologies et à s’adapter à un environnement de changements incessants, l’école mène à l’emploi. Mais quel emploi ? Certes. Mais cherchez le responsable ailleurs. Mais sachez tout de même que nous vivons dans le seul pays qui a disqualifié son université au nom de l’employabilité des étudiants. Faut ce qu’il faut … Tout ça est affaire de modèle. Et le modèle de réussite qui correspond au modèle actuel de l’école, c’est l’ascenseur républicain. Mais l’ascenseur républicain ce n’est pas ‘n’importe qui peut devenir quelqu’un’, ça c’est l’american dream (on en reparlera quand on fera le bilan de l’entrée d’élèves boursiers dans les si fameuses grandes écoles). L’ascenseur républicain, c’est la capacité donnée à chacun de ne pas dépendre d’un autre dans son jugement et d’exercer sa liberté de citoyen. Ce projet, l’école d’aujourd’hui l’a trahi, oh pas à cause de qui ou de quoi. Elle l’a trahi pour assurer son rôle de substitut éducatif pendant que les parents travaillent.
En pleine prise de conscience de ces attributs, souhaités ou subis, la commission qui avait conclu le Débat sur l’avenir de l’école (2003/2004) avait ainsi décrit les indicateurs de réussite du système scolaire : « Les critères de la réussite proprement éducative sont à la fois individuels et collectifs. Au plan individuel, l’école doit aider les élèves à grandir, à devenir des adultes, des personnes autonomes et responsables, à cultiver le respect de soi et celui des autres, à développer la confiance en soi et dans les autres. Au plan collectif, il importe que les élèves apprennent à reconnaître l’éminence des valeurs partagées, notamment de la laïcité, et la nécessité des règles et des usages communs, afin de faire de l’école le lieu d’intégration de toute une génération, et où la mixité sociale, ethnique et culturelle demeure possible ».
Beau programme, non ? Mais l’avons-nous choisi ? Je dis ‘nous’, à la fois en tant que parent d’élèves et qu’enseignant du supérieur (à titre subsidiaire). Est-ce cela que j’attends de mes enfants quand ils rentrent le soir ? Est-ce cela que j’évalue dans les copies remises par les étudiants de mes amphis ? Vous me voyez venir … Nous sommes certainement tous responsables de la situation. Et si la Cour des comptes, prenant l’excuse de l’angle financier, rappelle à tous que l’école faillit à ses missions ce n’est sans doute pas pour qu’une réunion, dans les couloirs secrets de la rue de Grenelle, accouche d’une énième réforme inefficace des rythmes et des programmes. Il y a eu trop de Yalta pour l’Education nationale, dont les acteurs jouent depuis trop longtemps à qui perd gagne. Les discours de ceux qui les signent sont connus, leurs solutions n’ont pas fonctionné. C’est à d’autres qu’il faut donner la parole, pour essayer tant qu’il est encore temps de changer en réforme la révolte qui gronde.
Je ne suis pas en tout d'accord avec ses remarques, mais vous pouvez consulter les constats de Natacha Polony dans son billet du 12 avril dernier : L'école de Jules Ferry est morte, mais qui l'a tuée ?
Le dessin, extrait du blog 'danger école - les dessins de Jack sur l'école' est publié avec l'autorisation de son auteur, Jack Koch. Qu'il en soit vivement remercié !
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Cordialement, Marc Guidoni