Il y bientôt une semaine se tenaient, dans l’indifférence générale, les élections sénatoriales. En quelques heures, grâce à la fois au dynamisme des services de communication de la chambre et aux échos d’une possible bascule à gauche, le scrutin allait sortir de l’anonymat et permettre de découvrir cette institution de la République que nombre d’entre nous feignaient encore d’ignorer. Le 'troisième tour', l'élection du Président du Sénat se déroule en ce moment même, et semble avoir gagné en notoriété.
Je n’ai pas manqué de m’associer à ceux qui accusent le Sénat d’être compassé et surtout maltraité par la Constitution qui a singulièrement abaissé la Chambre haute. Toutefois, dans ce prolongement de mon billet précédent, en voici un portrait plus fin, et peut-être porteur d’espoir pour le renouveau de l’ensemble de nos institutions. Voici donc le rôle vénérable véritable du Sénat, représenter, légiférer & contrôler.
L’action législative du Sénat
Concernant l’activité législative, le Sénat n’a pas a priori à rougir devant l’Assemblée nationale. De fait, les droits des membres sont équivalents, et le travail du Sénat dans les commissions et en séance mérite toute l’attention. Bien évidemment, ce travail peut être anéanti par le principe du ‘dernier mot’ accordé à la chambre basse (qui achève ses rêves de contre-pouvoir).
Au demeurant, confrontés au principe de réalité, les sénateurs sont moins enclins déposer des propositions de loi (703 contre plus de 1800 à l’AN depuis 2007), tandis qu’ils adoptent aussi moins d’amendements que la chambre basse (7700 contre 10300). Mais sur ces amendements, près de 20 % sont des propositions qui émanent de l’opposition ! Rebelle, le Sénat ?
Le conflit récent sur la réforme des collectivités territoriales a démontré l’impossibilité du Sénat de l’emporter dans le débat législatif. Alors, si dans son quotidien il peut encourager l’Assemblée à prendre ses responsabilités, l’on sait que les réalités électorales auxquelles n’échappent pas les députés condamnent ses assauts à la scène médiatique, encore incompétente pour fabriquer les lois.
La Chambre des Territoires
Le débat sur la réforme des collectivités territoriales aura eu moins pour effet de confirmer qu’en terme de bouleversement au Sénat, l’été 2008 a été plus agité que ce début d’automne. La réforme du 23 juillet permet en effet de le présenter de manière précise comme la chambre des collectivités territoriales. Bien sûr, le mode d’élection si particulier des sénateurs avait favorisé cette évolution, qui pourrait permettre de le comparer au Senat américain ou au Bundesrat allemand. Mais cette réécriture de l’article 24 de la Constitution est bien plus que le constat que les parlementaires qu’il accueille sont des élus d’élus. Pour preuve l’évolution de l’article 39.2 qui lui donne le premier rôle en cas de débat législatif sur les projets de loi « ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales ».
De cette position avantageuse le Sénat a développé une compétence d’appui et de conseil envers les collectivités, à travers notamment La délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. D’un point de vue très pratique, le Sénat organise aussi régulièrement les ‘Etats généraux des élus locaux’. En fait, c’est depuis 1998 la Chambre dispose d’un service dédié aux collectivités. C’est ainsi qu’elle propose un forum spécialisé et permanent sur la vie territoriale, le ‘Carrefour des collectivités locales’ (http://carrefourlocal.senat.fr) qui fait régulièrement la démonstration que les services du Palais du Luxembourg sont à la pointe de l’information sur l’activité et la législation de la décentralisation.
Le contrôle du gouvernement
Sur ce point, définitivement le Sénat passe au second plan. Si le Premier ministre peut y faire une déclaration de politique générale, il est bien établi que seule l’Assemblée générale peut renverser le gouvernement. Toutefois, le contrôle ce n’est pas seulement la censure.
Nous décrivions tout à l’heure une chambre très active sur le plan du travail législatif, et il en est de même de l’opiniâtreté de ses commissions. De fait, les chiffres montrent que bien que moins nombreux, les sénateurs sont plus assidus (203 réunions contre 137) à de bien plus nombreuses (proportionnellement) rencontres des commissions (3370 à l’AN contre 3440 au Sénat). A ce travail régulier peut s'ajouter celui des commissions d'enquête, chargées de recueillir des informations sur des faits " sensibles " ou sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales. Elles sont une arme redoutable pour les parlementaires.
Enfin, contrôler pourrait être encore interroger (demander des comptes !) le Gouvernement. Mais, las, l’exercice des questions orales ou écrites passionne moins les sénateurs qu’il n’occupe les députés, qui y voient tous un moyen de démontrer leur efficacité aux électeurs. La faille du système électoral qui jadis faisait du Sénat la Chambre immobile, et échouera, sauf accident, à en faire celle du progrès.
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Cordialement, Marc Guidoni