lundi 17 juin 2013

Le pape, Domenech et les parlementaires

Ce n’est un secret pour personne, le Pape a reçu à leur demande une délégation de parlementaires français, et leur a rappelé que leur engagement avait un sens, et qu'au-delà du côté technique de leur mission, qu’ils devaient voter en "cherchant toujours le bien de la personne en promouvant la fraternité" (le verbatim du discours du Pape François). Voyant-là une attaque en règle entre autres contre le mariage pour tous, le landernau médiatique s’est enflammé, au point même que Raymond Domenech commette lui aussi son tweet imbécile assassin :


Alors, cher Monsieur Domenech, sachez que rappeler quelque chose c’est affirmer avec vigueur une certitude documentée. Dès lors, vous pouviez vous garder de « rappeler » ainsi une vérité dans fondement, bref une monumentale tautologie sans aucun sens. Ensuite, vous conviendrez que votre truc, c’est le football, même si beaucoup l’ont oublié. Alors, si vous rappelez, rappelez des règles, rappelez... tiens, le respect que l’on doit aux arbitres et aux entraîneurs face aux starlettes des pelouses au chevet des échauffourées du weekend sur les terrains amateurs. Mais ne rajoutez pas vainement votre tweet menaçant aux échos d’un papebashing sans lendemain. A vrai dire, vous n’avez pas suscité beaucoup de réactions, sinon le présent billet d’un supporter de rugby tombé par hasard sur votre "rappel" ridicule incongru.


Du coup, à mon tour Raymond, je vais vous rappeler quelques éléments. Pas parce que je suis fan de rugby. Et certainement pas seulement à vous (j'ai eu des échanges très cordiaux avec d'autres twittos sur ce sujet). Mais parce qu’il m’arrive d’être un peu constitutionnaliste et historien du droit public. Alors le foot, je ne dis pas, mais la laïcité…

En deux mots, la laïcité en France cela signifie 2 choses, et 2 choses seulement :
- la séparation des Eglises et de l’Etat (1905) ;
- la liberté de conscience, c'est-à-dire le droit de croire ou de ne pas croire (1789).

La première assure aux citoyens qu’ils sont gouvernés de manière neutre, et que le pouvoir politique n’a de source que le peuple lui-même. Elle met fin de manière appuyée et absolue au lien entre le religieux et le temporel, et garantit que la décision politique n’est pas inspirée par des croyances surnaturelles ou dictée par un chef religieux.
Elle a bien évidemment d’autres conséquences pratiques, le fait de ne pas subventionner les cultes (lire ici la vision du Conseil d'Etat) et la « neutralité » de l’administration, signifiant que l’Etat, les collectivités territoriales (personnes morales de droit public) et les agents qui y agissent ne sont pas les petits ou grands véhicules d’une idéologie (plus large que d’une confession).

La seconde offre la certitude aux citoyens qu’ils ne sont pas jugés en fonction de ce qui les anime, et qu’ils ne seront pas empêchés par l’Etat de manifester leur appartenance à une confession, ou de revendiquer qu’ils n’ont pas de religion.
C’est, dès 1789, la volonté de lutter contre les discriminations liées à la revendication d’une foi, ou au fait de n’en avoir aucune. Ce n'est donc pas la légitimation de comportements cathophobes ou islamophobes, quoique la République puisse avoir des comptes à régler avec les premiers. Le pape le sait lorsqu'il évoque le principe de laïcité qui "ne doit pas signifier une hostilité à la réalité religieuse" (sic).

Quant à savoir si les parlementaires doivent respecter une certaine neutralité et ne pas rencontrer de chefs religieux ou chefs d’Etat, la question ne se pose même pas mon cher Raymond. Dans la Constitution, c’est la République, c’est-à-dire le mode de gouvernement, qui est laïque.
Le « peuple » n’est pas neutre. Il est donc normal que ses représentants puissent ne pas l’être. Et c'est heureux en fait. Il faut à ce titre rappeler (n’est-ce pas Raymond, mais aussi aux parlementaires eux-mêmes !) qu’un député ou un sénateur représente le peuple, pas les électeurs de sa circonscription. Il est donc normal qu’il pense ou croie différemment d’une partie de son électorat sur des sujets qui lui sont personnels. Liberté de conscience quand tu nous tiens...

Et c’est là que la parole du pape redevient intéressante… En appelant (pas en rappelant tiens…) les parlementaires français à voter selon leur conscience, pour "contribuer de manière efficace et continue à l'amélioration de la vie de [leurs] concitoyens", il n’a fait que les conforter dans l’exercice de leurs fonctions qui, selon la Constitution de notre pays et la Déclaration de 1789, procèdent d’un mandat représentatif et postule du vote personnel de l’élu, pas d’un mandat impératif.

Tout ceci appelant forcément des précisions, on se dit à bientôt, non ?

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Cordialement,
Marc Guidoni