mercredi 25 juin 2014

Die another day Vincent

Désenchantement politique, crise économique… La France va mal. Un état général provoqué par une certaine vacuité, que l’on espère remplir en définissant les contours d’une morale laïque… ou par une victoire en coupe du Monde.

Dans ce défaitisme global, la chose qui apparaît encore plus insupportable qu’une présence du Front national au second tour de la prochaine élection présidentielle, c’est la douleur. Elle est devenue, après le diable, Dracula, les extra-terrestres assoiffés de sang et les zombies… le dernier des monstres qui paniquent les foules.


Ne nous y trompons pas. C’est bien sur la souffrance que se concentre le débat des gazettes. A part quelques irréductibles catholiques, souvent maladroits avant même d’avoir parlé, personne ne parle de la vie. Dommage. Les premiers rangs des plateaux télés, les anonymes des radios d’opinion ne proposent que de laisser mourir pour ne plus souffrir.

Dans un sens, c’est heureux. Longtemps considérée comme nécessaire à la cure du patient, la douleur est devenue, comme la maladie, l’ennemi de la Faculté. La pharmacopée déborde de substances légales permettant de soulager la souffrance physique, voire la souffrance psychique. Mais aucune de ces préparations ne sait atténuer la souffrance morale… car ces produits, les médecins les prescrivent aux malades, pas à leur famille, pas à la société.

Alors, bonne âme, cette société bouleversée de voir un de ses membres souffrir cherche à se rassurer. Elle cherche une Ellen Ripley pour chasser son alien, un Néo pour reprogrammer la matrice sans le code de la souffrance et de la peur. Plutôt que de changer de chaîne, elle réclame l’autorisation morale légale de choisir. Vite. Qu'on passe à autre chose, que les gens fassent ce qu'ils veulent.

Puisque le politique ne peut plus rien, faute de conviction et de confiance, c’est le juge qui se retrouve au centre de la scène. Mais que peut-il faire ? Il doit dire le droit, et par là trancher dans le vif des dossiers, sur la foi des arguments développés par les parties. Malaise... comme dirait un barde de mes amis.

3 décisions viennent d’être rendues en moins de 24 heures. Aucune n’apaise la tension sociale et ne comble l'absence de questionnement moral, éthique, déontologique. Que disent-elles ? Rien de surprenant en fait… Sauf une, qui renvoie les débatteurs dans les cordes. Au risque d’une simplification excessive :
  • l’acquittement de Laurent Bonnemaison prononcé par la Cour d’Assises signifie que le peuple, sujet à l’émotion, pardonne le médecin. L’euthanasie, crime quand même, bénéficie des circonstances atténuantes accordées jadis au crime passionnel. Il a même été applaudi !
  • la décision du Conseil d’Etat dans l'affaire Vincent Lambert démontre que le juge est contraint par la preuve scientifique, le rapport des experts l’emporte sur le témoignage de la famille ;
  • l’arrêt de la CEDH rappelle que cette Cour prend position sur la base du projet de société que représente la Convention qu’elle protège… Elle réinvite la question du droit à la vie, sans qu’il y ait consensus sur sa définition, d’où le temps qu’elle réclame pour juger.
Que doit-on en conclure ? 1/ Le débat commence maintenant : qu'est-ce que le droit à la vie ? Trop tard, on aurait pu poser la question au Bac philo. 2/ Rien de plus que le fait que « le téléphone sonne », « On n’est pas couché » ou « Plus belle la vie » ne remplacent la décision politique, c’est-à-dire le choix qu’un peuple formule sur le pourquoi (et non sur la manière) dont il est gouverné.

A lire les réactions depuis quelques heures, ça ne se passe pas comme ça. Il faut dire que c’est facile, derrière ou devant cet écran, devant ou derrière un micro, d’avouer tout de go que, personnellement, on ne veut pas souffrir. Mais au fait, qui souffre ? Le malade ? La famille ? Le médecin ? Le juge ? L’assurance maladie ? Tiens, j'y songe, personne n’a encore osé demander que l’on cesse de nourrir Vincent Lambert car il coûte trop cher à la sécurité sociale…

Après tout, la vie, ça n’a pas de prix.

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Cordialement,
Marc Guidoni