Désenchantement politique, crise économique… La France va
mal. Un état général provoqué par une certaine vacuité, que l’on espère remplir
en définissant les contours d’une morale laïque… ou par une victoire en coupe
du Monde.
Dans ce défaitisme global, la chose qui apparaît encore plus
insupportable qu’une présence du Front national au second tour de la prochaine
élection présidentielle, c’est la douleur. Elle est devenue, après le diable, Dracula,
les extra-terrestres assoiffés de sang et les zombies… le dernier des monstres
qui paniquent les foules.
Ne nous y trompons pas. C’est bien sur la souffrance que se
concentre le débat des gazettes. A part quelques irréductibles catholiques,
souvent maladroits avant même d’avoir parlé, personne ne parle de la vie. Dommage. Les
premiers rangs des plateaux télés, les anonymes des radios d’opinion ne proposent que de laisser mourir pour ne plus souffrir.
Dans un sens, c’est heureux. Longtemps considérée comme
nécessaire à la cure du patient, la douleur est devenue, comme la maladie, l’ennemi
de la Faculté. La pharmacopée déborde de substances légales permettant de
soulager la souffrance physique, voire la souffrance psychique. Mais aucune de
ces préparations ne sait atténuer la souffrance morale… car ces produits, les
médecins les prescrivent aux malades, pas à leur famille, pas à la société.
Alors, bonne âme, cette société bouleversée de voir un de
ses membres souffrir cherche à se rassurer. Elle cherche une Ellen Ripley pour
chasser son alien, un Néo pour reprogrammer la matrice sans le code de la
souffrance et de la peur. Plutôt que de changer de chaîne, elle réclame l’autorisation morale légale de choisir. Vite. Qu'on passe à autre chose, que les gens fassent ce qu'ils veulent.
Puisque le politique ne peut plus rien, faute de conviction
et de confiance, c’est le juge qui se retrouve au centre de la scène. Mais que
peut-il faire ? Il doit dire le droit, et par là trancher dans le vif des
dossiers, sur la foi des arguments développés par les parties. Malaise... comme dirait un barde de mes amis.
3 décisions viennent d’être rendues en moins de 24 heures. Aucune
n’apaise la tension sociale et ne comble l'absence de questionnement moral, éthique, déontologique. Que disent-elles ? Rien de surprenant en fait…
Sauf une, qui renvoie les débatteurs dans les cordes. Au risque d’une simplification
excessive :
- l’acquittement de Laurent Bonnemaison prononcé par la Cour d’Assises signifie que le peuple, sujet à l’émotion, pardonne le médecin. L’euthanasie, crime quand même, bénéficie des circonstances atténuantes accordées jadis au crime passionnel. Il a même été applaudi !
- la décision du Conseil d’Etat dans l'affaire Vincent Lambert démontre que le juge est contraint par la preuve scientifique, le rapport des experts l’emporte sur le témoignage de la famille ;
- l’arrêt de la CEDH rappelle que cette Cour prend position sur la base du projet de société que représente la Convention qu’elle protège… Elle réinvite la question du droit à la vie, sans qu’il y ait consensus sur sa définition, d’où le temps qu’elle réclame pour juger.
A lire les réactions depuis quelques heures, ça ne se passe pas comme ça. Il faut dire que c’est facile, derrière ou devant cet écran, devant ou
derrière un micro, d’avouer tout de go que, personnellement, on ne veut pas
souffrir. Mais au fait, qui souffre ? Le malade ? La
famille ? Le médecin ? Le juge ? L’assurance maladie ? Tiens,
j'y songe, personne n’a encore osé demander que l’on cesse de nourrir Vincent Lambert
car il coûte trop cher à la sécurité sociale…
Après tout, la vie, ça n’a pas de prix.
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Cordialement, Marc Guidoni