Ce matin, mon fils a eu l'honneur de lire cette lettre du poilu Joseph Thomas à son fils Armand, âgé de 15 mois, qu'il ne reverra jamais. Un peu fier, je vous en partage le texte...
5 août 1915
A mon petit Armand,
Tu es encore bien jeune et ne peux
comprendre ce qui se passe en ce moment : la guerre, ses horreurs, ses
souffrances. Cette carte sera un souvenir de ton père, et il souhaite qu'à
l'avenir les hommes soient meilleurs, et que semblable chose ne puisse plus arriver.
Que jamais tu n'aies besoin, et sois forcé, de mener la vie que je subis en ce
moment en compagnie de beaucoup de papas qui ont laissé, comme moi, de petits
anges chez eux.
Pour t'élever, tu te trouves d'être
bien pénible, mais tu te rattraperas de cela en étant dans quelques années un
petit garçon bien gentil et obéissant. Le moment venu, je serai sûrement auprès
de toi pour te diriger, mais si mon espoir était déçu, en mémoire de ce père
que tu n'auras pas connu, redouble de gentillesse pour ta mère et pour ceux qui
t'élèveront. Devenu un homme, sois du nombre de ceux qu'on appelle les honnêtes
gens. Sois bon pour ton prochain, ne fais pas ce que tu ne voudrais pas qu'il
te fût fait. Vénère ta mère ; sois pour elle un soutien véritable.
Rappelle-toi aussi que le vrai bonheur
ne se trouve pas dans la richesse et les honneurs, mais dans le devoir
vaillamment accompli, ainsi que les bonnes actions.
Si le destin te donne des épreuves à
subir, sois courageux et tu les surmonteras, mais si par malheur tu te laisses
entraîner par le vice, les passions, relis vite mes conseils, ne te laisse pas
aller à la dérive. Il n'y a que le premier pas qui coûte ; une fois entraîné
par le courant, on roule de chute en chute, et il arrive qu'on ne peut plus se
relever. C'est trop tard. Alors, arrivé à ce point, la vie est finie. Gâchée
par sa faute. Et on est plus bon qu'à être la risée, ou montré du doigt par
tout le monde, suivant le penchant qui a perdu l'homme.
J'espère n'avoir pas à rougir de toi
car je sens que tu suivras le chemin de l'honneur.
En attendant de pouvoir te choyer et
caresser, je te fais, mon petit fanfan, de grosses bises.
Joseph Thomas était agriculteur. Cette lettre était destinée à son fils âgé de quinze mois. Joseph n'avait plus que huit mois à vivre puisqu'il fut tué Le 30 mars 1916 à Verdun.
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Cordialement, Marc Guidoni