3 mois. L'Etat se donne donc 3 mois pour restaurer le pacte républicain, fondé depuis que l'homme fait société sur un savant équilibre entre liberté et sécurité. Plus précisément, la représentation nationale a donné comme un seul homme à l'exécutif le pouvoir de faire régner l'ordre et de protéger le citoyen.
Il faudrait être une mauvaise langue, sinon un mauvais patriote, pour dénoncer cette mesure en la traitant de coup d'Etat. De fait, comme le rappellent de nombreux collègues, le droit des circonstances exceptionnelles apparaît un rien banal lorsqu'il s'agit de sauver la patrie. La liberté n'a pas de prix. D'autres osent s'interroger, comme Henri Leclerc, dans une chronique publiée sur Dalloz-Actualités qui rappelle les risques liées à l'état d'urgence.
L'ancien président de la Ligue des droits de l'Homme ne fait en rien référence aux risques que le Premier Ministre évoquaient si quelques parlementaires avaient envisagé un recours devant le Conseil constitutionnel (lire ici). Chacun doit savoir que le Conseil d'Etat consulté, le texte du projet de loi montre déjà de multiples garanties de sécurité juridique. Mais sur le fond, cette interdiction de principe formulée par le chef du Gouvernement est troublante.
Comme peut paraître étonnante cette urgence de réviser la Constitution (message adressé à l'opposition), pour sécuriser le recours à l'état d'urgence, le moins exceptionnel de nos trois états d'exceptions (avec l'état de siège et les pouvoirs exceptionnels du Président de la République). Vincent Souty propose alors aux lecteurs de Liberté, Libertés chéries, une révision oui, mais "pas n'importe comment".
Tout cela rapporté au degré de conscience de nos concitoyens qui applaudissent aux 793 perquisitions, 107 interpellations et 164 assignations à résidence dénombrées place Beauvau depuis samedi, au rythme du hashtag #étatdurgence. Les journalistes avides de sensationnel aurait pu faire un effort pour expliquer un peu mieux la démarche...
N'y voyons rien de mal. Seulement la manifestation des défauts historiques de notre démocratie française. Elle semblait tout récemment acquise à la notion d'Etat de droit, mais elle retombe dans ses travers révolutionnaires en invoquant comme seule norme légitime la loi votée par le Parlement. Hier sur Twitter, j'étais d'ailleurs interpellé de la sorte : vous ne faites donc pas confiance aux parlementaires ? L'état d'urgence est proclamé sous leur contrôle. A bien lire les sondages pré-attentats, je ne peux qu'avouer ma défiance, et me sentir courageusement soutenu par une grande majorité de mes concitoyens.
Je suis ravi de vous annoncer ce soir que la crise du parlementarisme français est finie, cette crise qui faisait affirmer aux plus grands que ce qui manquait le plus au Parlement de la Vème République n'était pas les pouvoirs, mais des hommes et des femmes pour les exercer. Je suis heureux de savoir que mes libertés sont entre de bonnes mains.
Conscient que la crise ne tardera pas à reprendre, mais fou de rage à lire ici ou là que François Hollande s'est mué en Philippe Pétain, je voulais aussi signaler ici que nous avons les parlementaires que l'on a mérité, et qu'à l'inverse certains ne nous méritent pas. Oui, j'en veux pour preuve d'abord les 6 qui n'ont pas voté l'état d'urgence, car unité n'emporte pas unanimité. Mais surtout je rapporte ici quelques lignes de cette magnifique déclaration de Michel Mercier au Sénat, au moment du vote de la prorogation de l'état d'urgence :
Mes chers collègues, ces derniers jours, de nombreux sondages ont été
publiés indiquant que nous serions prêts à accepter une situation où nous
aurions moins de libertés pour plus de sûreté. Pour ma part, je crois
profondément que liberté et sûreté sont sœurs jumelles. Il ne peut y avoir de
liberté sans sûreté, mais un État dont la seule valeur serait la sûreté ne
serait plus la République ! [...]
Si l'état d'urgence confère des pouvoirs supplémentaires à l'autorité
administrative, la loi sur l'état d'urgence ne modifie pas le droit de la
République. Toutes les mesures prises dans ce cadre peuvent être soumises au
contrôle du juge administratif. De ce point de vue, si l'on se réfère à
l'histoire de la juridiction administrative, c'est là que l'on trouve les plus
belles pages. En effet, le juge administratif est devenu le juge des libertés
publiques en développant des constructions jurisprudentielles audacieuses
lorsqu'il a été amené à statuer sur des mesures prises dans le cadre de
circonstances exceptionnelles. Cet exemple le montre bien, l'état d'urgence,
c'est aussi l'État de droit, organisé. [...]
Aujourd'hui, le Sénat va vous donner des moyens nouveaux,
immenses : jamais, probablement, un Gouvernement n'aura disposé d'autant
de pouvoirs en temps de paix. Ces moyens, nous vous les accordons pour
l'action. C'est nous qui vous les accordons formellement, mais ce sont nos
concitoyens qui vous attendent, qui nous attendent tous ! Les moyens
juridiques que nous vous donnons ne sont pas forcément ceux qu'imaginent nos
concitoyens, mais ils pensent que, après notre vote qui va être largement majoritaire,
vous avez le devoir d'agir, parce que vous aurez obtenu tout ce que vous avez
demandé."
Dont acte. Au nom de la souveraineté nationale, je dis confiance. Confiance, et surtout espérance. Que ces semaines soient courtes, et manifestent le souci de rétablir la République dans ce qu'elle a de plus fort : la paix, au dedans et au dehors de nos frontières.
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Cordialement, Marc Guidoni