Après 1789, pour protéger la jeune République il fallait soustraire la décision politique à l’influence du clergé. C’est ainsi que, longtemps, le droit de vote sera refusé aux femmes, principalement par les forces de gauche, de peur que leur fragile conscience ne s’émancipe pas des prédications dominicales dans l’isoloir (lire sur Aleteia le caustique : 29 avril 1945 : les femmes peuvent enfin voter, malgré la gauche et les francs-maçons)
Au nom des mêmes risques pesant sur la démocratie, la science et le progrès social, le catéchisme fut chassé de l’école à partir de 1880 : aucun savoir ne devait être troublé par des récits bibliques, tandis que paradoxalement une morale d’inspiration évangélique était professée par les instituteurs... qui ne pouvaient être recrutés parmi les catholiques (jusqu'à ce que le Conseil d'Etat réfute une incapacité de principe en 1939 arrêt Demoiselle Beis | relire ici La laïcité à l'école de 1905 à 1945 colloque au Sénat en 2005).
Au nom des mêmes risques pesant sur la démocratie, la science et le progrès social, le catéchisme fut chassé de l’école à partir de 1880 : aucun savoir ne devait être troublé par des récits bibliques, tandis que paradoxalement une morale d’inspiration évangélique était professée par les instituteurs... qui ne pouvaient être recrutés parmi les catholiques (jusqu'à ce que le Conseil d'Etat réfute une incapacité de principe en 1939 arrêt Demoiselle Beis | relire ici La laïcité à l'école de 1905 à 1945 colloque au Sénat en 2005).
Dans une position de victime, privée du privilège d'organiser la société et d'enseigner la vérité, l'Eglise engagea une forme de résistance à la vague de sécularisation de la société. Pourtant, sur la même période, une partie des catholiques français préféraient déjà la laïcité au contrôle exercé par l'Etat sur les croyants. Ainsi, Montalembert défendait-il une forme de séparation, en 1863 : « Il faut, soutient-il, renoncer au vain espoir de voir renaître un régime de privilège ou une monarchie absolue favorable au catholicisme (...). La force publique doit me protéger contre celui qui m'empêcherait d'aller à l'Église ; mais la force publique qui voudrait me mener à l'Église malgré moi serait à juste titre aussi ridicule qu'insupportable » (développements sur ce sujet à lire ici L'Eglise catholique face au modèle français de laïcité - Archives en sciences sociales des religions). Il faut peut-être situer ici l'appel récent du Pape François ?
La réconciliation des églises et de l'Etat pour la cohésion nationale
Malgré les violences insensées perpétrées contre le clergé et les religieux lors des inventaires qui suivirent la loi de 1905, la guerre de 14 devait réconcilier la République et les églises, pour remonter le moral des troupes ou encore honorer les soldats des Colonies (la construction de la Grande Mosquée de Paris viendra en effet saluer le sacrifice des 100 000 soldats musulmans tombées pour la France) :
« Si la guerre a scellé sur les champs de bataille la fraternité franco-musulmane et si plus de 100 000 de nos sujets et protégés sont morts au service d’une patrie désormais commune, cette patrie doit tenir à honneur de marquer au plus tôt, et par des actes, sa reconnaissance et son souvenir. A tous ces musulmans, quelle que soit leur origine, s’ils évoquent le nom de la France, et demandent son aide spirituelle ou son hospitalité, Paris offrira l’accueil de l’Institut Musulman, l’ombre pieuse de sa .Mosquée, le délassement des lectures dans la bibliothèque arabe, l’enseignement des conférences et enfin, ajouta-t-il, la joie d’un foyer libre ». Edouard Herriot 1920
La vie partagée dans les mouvements et les maquis de l'Occupation achève de réconcilier les croyants avec ceux qui ne croient pas au ciel. Le programme du Conseil national de la Résistance, "Les jours heureux" promet ainsi de se faire "dans l’action, l’union étroite de tous les patriotes, sans distinction d’opinions politiques, philosophiques ou religieuses... Ainsi, par l’effort et les sacrifices de tous, sera avancée l’heure de la libération du territoire national ; ainsi la vie de milliers de Français pourra être sauvée et d’immenses richesses pourront être préservées".
La hiérarchie catholique souscrit avec conviction aux IVème et Vème républiques, dans la mesure où elles instaurent un système où la laïcité, loin de l'anticléricalisme, constitue un régime de coexistence pacifique entre toutes les convictions. La "liberté religieuse" que consacre le Concile Vatican II éloigne le spectre d'un complot catholique contre la République laïque pour le rétablissement d'un Etat chrétien, et semble valider d'un point de vue théologique la laïcité française.
Il y aura bien de nouvelles passes d'armes, au moment des lois Veil, du projet d'un grand service public de l'éducation en 1984 et bien entendu plus récemment lors de l'instauration du "mariage pour tous". Mais ces épisodes au cours desquels les catholiques français ont rappelé que leur carte du monde n'avaient pas les mêmes frontières que celles de la démocratie libérale, n'ont pas mis en cause l'adhésion fondamentale à la République permise par la laïcité.
Ainsi, la France républicaine s’est-elle avant tout bâtie au son des cloches des églises, grâce aux baïonnettes de tirailleurs ou aux bras de travailleurs musulmans, et avec une conscience précise de ce qu'est l'humanité à travers les témoignages des survivants de la Shoah. Et tout allait bien. jusqu’à l’arrivée du voile islamique dans un collègue de banlieue, et de la viande hallal dans les supermarchés, voire du mariage pour tous. Ensemble ou séparément, ces événements vont faire sortir de la naphtaline des costumes étriqués. Dans tous les camps.
La sécularisation comme provocation au communautarisme
La France sécularisée est depuis sans réponse aux questions que posent ces nouvelles revendications de croyants. Pour les écarter, elle les a d'abord dénigrées, négligées. Dans notre pays de liberté où tout semble permis, se couvrir d'un voile, exalter la virginité, se priver de certaines nourritures associées au plaisir... apparaissent comme un retour au Moyen-Âge que l'on peine à juger sérieux.
Mais ce que nous identifions alors comme des manifestations d’un noyau d’intégristes s'est répandu, au point d'être désigné comme "marqueurs identitaires" menaçant l’unité de la République. Au point que nos adolescents forment le projet dément de partir de battre en Syrie...
Impuissante à intégrer une partie de la population, la République a-t-elle condamné certains de ses enfants à conquérir leur place dans la société en utilisant la religion ? La religion pour lutter contre un impérialisme occidental dont les valeurs profanes sont désignées comme des facteurs d'oppression ou tout au moins de déclassement. Ne nous trompons pas de combat : la laïcité ne réglera pas le problème du chômage et de l'exclusion.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Merci pour votre commentaire et votre participation à cette conversation. Votre message sera mis en ligne après modération.
Cordialement, Marc Guidoni