lundi 14 mars 2016

La laïcité est un principe d'organisation de l'Etat (Vers un Etat français plus laïque partie 2)

En France, la laïcité est un principe d’organisation politique et juridique qui assure la neutralité l’Etat face aux religions.

Ce n’est que cela, et c’est tout cela.

"La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion.
Elle respecte toutes les croyances."
article 1 de la Constitution de 1958

Sur le site www.vie-publique.fr, on découvre que la laïcité repose sur deux principes : l’obligation de l’État de ne pas intervenir dans les convictions de chacun et l’égalité de tous devant la loi, quelle que soit leur religion. Elle implique ainsi la liberté de conscience et de culte, la libre organisation des Églises, leur égalité juridique, le droit à un lieu de culte, la neutralité des institutions envers les religions, ainsi que la liberté d’enseignement.

Dispositions constitutionnelles
  • Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789, intégrée au préambule de la Constitution du 4 octobre 1958
« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi » (art. 10).
  • Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, repris par le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 :
« (...) Le peuple français (...) réaffirme solennellement les droits et les libertés de l'homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. Il proclame, en outre, comme particulièrement nécessaires à notre temps les principes politiques, économiques et sociaux ci-après : La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme. (...) Nul ne peut-être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances. (...) La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État. »

Sur le fondement de ces textes (entre autres) :
  • Décision du Conseil constitutionnel 19 nov 2004 : la Laïcité interdit de se prévaloir de ses croyances pour s’affranchir des règles régissant les relations entre les collectivités et les particuliers ; 
  • Décision du Conseil constitutionnel 21 fev 2013 (QPC) : le principe figure au nombre des droits et libertés que la constitution garantit, il résulte de ce principe la neutralité de l’Etat. Le principe implique le respect de toutes les croyances, l’égalité de tous les citoyens devant loi sans distinction de religion, et la République garantit le libre exercice des cultes.
Textes européens
  • Article 9 Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CEDH)
« Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique le droit de changer de religion ou de conviction, ainsi que le droit de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites. »
à rapprocher de l’article 10 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. 

Textes législatifs
  • Loi du 15 mars 1850 sur les établissements (scolaires) du primaire et du secondaire (loi Falloux) :
« Les établissements libres peuvent obtenir des communes, des départements ou de l'État, un local et une subvention, sans que cette subvention puisse excéder un dixième des dépenses annuelles de l'établissement. Les conseils académiques sont appelés à donner leur avis préalable sur l'opportunité de ces subventions. » (art. 69).
  • Loi du 12 juillet 1875 (loi Laboulaye) : « L'enseignement supérieur est libre. » (art. 1er)
  • Loi du 28 mars 1882 sur l'instruction publique obligatoire (loi Jules Ferry) :
« Les écoles primaires publiques vaqueront un jour par semaine en outre du dimanche, afin de permettre aux parents de faire donner, s'ils le désirent, à leurs enfants l'instruction religieuse en dehors des édifices scolaires. » (art. 2).
  • Loi du 30 octobre 1886 sur l'organisation de l'enseignement primaire (loi Goblet) :
« Les établissements d'enseignement primaire de tout ordre peuvent être publics, c'est-à-dire fondés par l'État, les départements ou les communes ; ou privés, c'est-à-dire fondés et entretenus par des particuliers ou des associations. » (art. 2). « Dans les écoles publiques de tout ordre, l'enseignement est exclusivement confié à un personnel laïque. » (art. 17).
  • Loi du 9 décembre 1905 de séparation des Églises et de l'État :
« La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes, sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public. » (art. 1er).
« La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucune culte (...) [sauf pour] les dépenses relatives à des exercices d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons (...) » (art 2).
« Les cérémonies, processions et autres manifestations extérieures du culte sont réglées en conformité de l'article 97 du Code de l'administration communale. Les sonneries de cloches seront réglées par arrêté municipal, et en cas de désaccord entre le maire et l'association cultuelle, par arrêté préfectoral » (art. 27).
« Il est interdit (...) d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l'exception des édifices du culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions. (...) » (art. 28).
  • Loi du 2 janvier 1907 concernant l’exercice public des cultes :
« À défaut d'associations cultuelles, les édifices affectés à l'exercice du culte, ainsi que les meubles les garnissant (...) pourront être laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour la pratique de leur religion » (art. 5).
  • Loi du 31 décembre 1959 sur les rapports entre l'État et les établissements d'enseignement privés (loi Debré) :
« Suivant les principes définis dans la Constitution, l'État assure aux enfants et adolescents dans les établissements publics d'enseignement la possibilité de recevoir un enseignement conforme à leurs aptitudes dans un égal respect de toutes les croyances.
L'État proclame et respecte la liberté de l'enseignement et en garantit l'exercice aux établissements privés régulièrement ouverts. Il prend toutes dispositions utiles pour assurer aux élèves de l'enseignement public la liberté des cultes et de l'instruction religieuse.
Dans les établissements privés (...) [sous contrats] (...), l'enseignement placé sous le régime du contrat est soumis au contrôle de l'État. L'établissement, tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience. Tous les enfants, sans distinction d'origine, d'opinions ou de croyances, y ont accès. » (art. 1er).
  • Loi du 26 janvier 1984 sur l'enseignement supérieur, dite loi Savary :
« Le service public de l'enseignement supérieur est laïc et indépendant de toute emprise politique, économique, religieuse ou idéologique ; il tend à l'objectivité du savoir ; il respecte la diversité des opinions. Il doit garantir à l'enseignement et à la recherche leurs possibilités de libre développement scientifique, créateur et critique ».
  • Loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics :
« Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit.
Le règlement intérieur rappelle que la mise en œuvre d'une procédure disciplinaire est précédée d'un dialogue avec l'élève. »

Circulaires et autres textes
  • 1936-1937 : circulaires Jean Zay : Elles interdisent toute forme de propagande, politique ou confessionnelle, à l'école, et tout prosélytisme.
  • 1989 : avis du Conseil d'État (réitéré en 1992)
Cet avis rappelle la neutralité de l'enseignement et des enseignants. Le port de signes religieux à l'école n'est ni autorisé, ni interdit : il est toléré, dans la limite du prosélytisme et à condition de ne pas s'accompagner du refus de suivre certains cours ou de la mise en cause de certaines parties du programme scolaire.
Cette circulaire de François Fillon, Ministre de l'Education nationale, est relative à la mise en œuvre de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le "port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics".
Elle est notamment l'occasion de préciser que la loi ne s'applique qu'aux établissements visés, de dresser la liste des signes dont le port conduit à se faire immédiatement reconnaître par son appartenance religieuse, qu'il s'agisse du voile islamique, de la kippa ou d'une croix "de dimension manifestement excessive" (la loi étant rédigée de manière à pouvoir s’appliquer à toutes les religions et de manière à répondre à l’apparition de nouveaux signes).
Enfin, elle affirme que la loi ne remet pas en cause le droit des élèves de porter des signes religieux discrets, ni n'interdit les accessoires et les tenues qui sont portés communément par des élèves en dehors de toute signification religieuse. En revanche, la loi interdit à un élève de se prévaloir du caractère religieux qu’il y attacherait, par exemple, pour refuser de se conformer aux règles applicables à la tenue des élèves dans l’établissement.
Des précisions y sont notamment apportées sur le fonctionnement des services publics et activités d'intérêt général.
  • 23 décembre 2013 Avis du Conseil d'Etat (à propos des sorties scolaires)
Selon la plus haute juridiction administrative, ces parents sont de simples « usagers ». Ils ne sont ni « agents » ni « collaborateurs » du service public, seuls concernés par « les exigences de neutralité religieuse ». Les mères voilées n'y sont donc légalement pas soumises.
Le Conseil y présente le juge administratif comme "Régulateur de la laïcité". Lorsque la neutralité de l’État est invoquée, il s’attache à ce qu’elle ne porte pas une atteinte excessive à la liberté d’expression religieuse des agents publics ; lorsqu’il est en revanche question de la liberté religieuse des citoyens, le juge administratif cherchera à en garantir l’effectivité tout en restant attentif aux exigences relatives, notamment, à la protection de l’ordre public.
  • Notes, guides et rapports de l'Observatoire de la Laïcité
L’Observatoire, créé en 2007 et installé en 2013, assiste le gouvernement dans son action visant au respect du principe de laïcité en France. Sous la Présidence de Jean-Louis BIANCO, il réunit les données, produit et fait produire les analyses, études et recherches permettant d’éclairer les pouvoirs publics sur la laïcité.
Depuis son installations, il a produit notamment des guides pratiques sur la gestion du fait religieux
dans les établissements publics de santé, dans les structures socio-éducatives, dans les collectivités locales, dans l'entreprise privée (à consulter ici).

Pour conclure

Dans le contexte actuel, il n’est donc pas inutile de rappeler que la laïcité est un dispositif très favorable aux religions. Elle permet à toutes, ainsi qu’aux athées et aux agnostiques, de s’exprimer en toute liberté et sécurité ; y compris dans l’espace public. Et oui, le prosélytisme n’est pas interdit...

De ce fait, et dans un certain nombre de situations identifiées, la République se fait acrobate pour permettre aux croyants de croire, mais aussi de témoigner de leur foi, y compris dans l’espace public, sans toutefois que l’ordre public soit troublé.

Le juge, tel Monsieur Loyal de ce que certains pourraient considérer comme un grand cirque religieux, s’assure régulièrement de cet équilibre (j’en tiens chronique sur ce blog, accès via le mot-clé « laïcité » ).

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Cordialement,
Marc Guidoni