samedi 24 mars 2018

Tatouages, barbes et laïcité

Avec le "boom du tattoo" observé chez les jeunes (près de 25% des - de 35 ans s'avouent tatoués), la question du port d'un signe religieux sur la peau m'est souvent posée en formation. Qu'en serait-il alors pour le fonctionnaire, dont le tatouage religieux visible paraît peu compatible avec le principe de neutralité. Nous avons un embryon de réponse avec une récente instruction de la Direction général de la Police Nationale, même si elle ne vaut que pour les fonctionnaires concernés.

Quant au port de la barbe, et même s'il s'agit d'un cas d'espèce très particulier, une décision de la CAA de Versailles apporte des éléments de réflexion qui pourront être utiles.

Instruction de la Direction générale de la Police Nationale du 12 janvier 2018 relative au port des tatouages, barbes et moustaches, bijoux ou accessoires de mode par les personnels affectés dans les services de la police nationale (NOR: INTC1801913J).
On y apprend que "les tatouages, qu’ils soient permanents ou provisoires, ne sauraient être admis dès lors qu’ils constituent un signe manifeste d’appartenance à une organisation politique, syndicale, confessionnelle ou associative ou s’ils portent atteinte aux valeurs fondamentales de la Nation. Il en est de même s’agissant de tout élément, signe ou insigne ostentatoire de même nature qui serait porté par la personne. Les tatouages visibles du public, qui n’entrent pas dans la catégorie précédente, ne doivent pas dénaturer ou compromettre la relation du policier avec les usagers. Le cas échéant, ce tatouage sera masqué quelle que soit sa tenue, lorsque le policier est en contact avec le public ou lorsqu’il est en tenue d’uniforme. Par ailleurs, la coupe de cheveux, les moustaches ou la barbe doivent demeurer courtes, soignées et entretenues, sans fantaisie (…)." 

Cour administrative d’appel de Versailles 19 décembre 2017
Validation de la résiliation de la convention avec un stagiaire égyptien portant une barbe particulièrement imposante, accueilli par un centre hospitalier, ayant fait l’objet d’une mesure disciplinaire prise par le directeur de l’établissement public devant son refus de la tailler.

« Considérant que le port d’une barbe, même longue, ne saurait à lui seul constituer un signe d’appartenance religieuse en dehors d’éléments justifiant qu’il représente effectivement, dans les circonstances propres à l’espèce, la manifestation d’une revendication ou d’une appartenance religieuse ; qu’en l’espèce, la direction du centre hospitalier, après avoir indiqué à M. A...que sa barbe, très imposante, était perçue par les membres du personnel comme un signe d’appartenance religieuse et que l’environnement multiculturel de l’établissement rendait l’application des principes de neutralité et de laïcité du service public d’autant plus importante, lui a demandé de tailler sa barbe afin qu’elle ne soit plus de nature à manifester, de façon ostentatoire, une appartenance religieuse ; que les demandes formulées par le centre hospitalier auprès de M. A...étaient justifiées par la nécessité d’assurer, par l’ensemble du personnel, le respect de leurs obligations en matière de neutralité religieuse ; qu’en réponse à ces demandes, M. A...s’est borné à invoquer le respect de sa vie privée sans pour autant nier que son apparence physique était de nature à manifester ostensiblement un engagement religieux ; que, dans ces conditions, il doit être regardé comme ayant manqué à ses obligations au regard du respect de la laïcité et du principe de neutralité du service public, alors même que le port de sa barbe ne s’est accompagné d’aucun acte de prosélytisme ni d’observations des usagers du service ; qu’un tel manquement était de nature à justifier une mesure disciplinaire ; que, par suite, la sanction de résiliation de la convention qui lui a été infligée n’était pas disproportionnée mais légalement justifiée par les faits ainsi relevés à son encontre »


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Marc Guidoni